Les secrets d’Alan Turing
Désireux de proposer une activité nécessitant de la coopération, Damien Bourdet entend traiter deux axes principaux du programme de Technologie par le biais d’un escape game :
- Relier les évolutions technologiques aux inventions et innovations qui marquent des ruptures dans les solutions techniques.
- Regrouper des objets en familles et lignées.
Le thème du jeu était pour lui une évidence ! En effet, passionné depuis ses études par l’histoire d’Alan Turing, son intérêt a été ravivé en 2014 par l’adaptation cinématographique de la biographie du mathématicien Imitation Game. De plus, l’été dernier, quatre émissions des Grandes traversées sur France Culture lui ont été consacrées, ce qui a fini de convaincre Damien de l’importance de faire connaître à ses élèves ce personnage emblématique de l’histoire de l’informatique.
Le but était également de faire comprendre que c’est bien à partir de ses travaux que des machines capables de faire des calculs sont apparues. En dériveront par la suite les ordinateurs, notamment ceux de la marque Apple, dont le logo serait d’ailleurs inspiré de la pomme fatale à Turing [1].
En entrant dans la classe de Technologie, les élèves remarquent que le vidéoprojecteur semble avoir été piraté. Un visage inconnu apparaît à l’écran :
« Je suis un agent secret venu vous parler d’un homologue britannique qui est une légende dans mon métier. En votre absence, j’ai laissé tout son dossier top secret dans un coffre bien gardé. À vous de fouiller, réfléchir, coopérer pour le récupérer. Vous avez 60 minutes. Dépêchez-vous ! ». C’est par cette introduction plus qu’énigmatique que Damien Bourdet fait entrer ses élèves dans le jeu. Les intentions de l’agent secret ne sont pas claires...
La salle est divisée en deux espaces, un pour l’équipe rouge et un pour l’équipe bleue. En effet, cet escape game est prévu pour une vingtaine d’élèves, deux groupes de dix qui progressent sur deux parcours d’énigmes parallèles. Les équipes ont interdiction de communiquer entre elles durant le jeu sous peine d’une pénalité de temps. Mais elles doivent se retrouver à la fin autour du coffre. Les deux zones sont distinctes et matérialisées par des adhésifs de couleurs (rouge et bleu) utilisés pour fixer et repérer les indices.
Les documents sont différents mais les énigmes sont analogues pour les deux équipes. Par exemple, un message chiffré avec le code César indique « Derrière le portrait » pour l’un des groupes et « Derrière l’horloge » pour l’autre. La clé du chiffrement est également différente : avocat (A vaut K) pour l’un, Hélène (L-N) pour l’autre. Deux photos différentes d’Alan Turing en coureur sont aussi proposées. Le dossard porté par le mathématicien correspond au code à utiliser pour débloquer un verrou numérique réalisé avec Genially. Il en est ainsi pour tous les codes et messages qui permettront de déverrouiller le coffre.
Au total, cinq cadenas sont à ouvrir. Pour l’un d’eux, une clé est cachée dans chacune des zones et peut donc être débloqué par l’une ou l’autre des équipes. Les quatre cadenas restants (deux à clés et deux rotatifs) sont répartis entre les rouges et les bleus.
Les énigmes permettant d’accéder à la combinaison du cadenas rotatif constituent le cœur de l’escape game. Elles témoignent d’une forte imbrication du scénario et de l’inventivité de l’auteur. La combinaison est fournie par un message en Morse découpé en trois parties. Il faudra donc reconstituer le puzzle et décoder les points et les traits. Cependant, ouvrir un cadenas rotatif n’est pas intuitif : le mode d’emploi est prévu, mais une énigme diabolique attend les élèves.
La notice est en effet délivrée par une machine baptisée la Table à cartes par l’auteur : une machine avec un plateau représentant l’Atlantique Nord. Sous le plateau sont cachés deux interrupteurs magnétiques. Les joueurs devront donc trouver au cours de leur fouille deux aimants et les placer correctement sur la carte pour déclencher le mécanisme.
Les coordonnées des interrupteurs sont fournies par un message retrouvé dans une boîte fermée à clé. Il est bien sûr codé ! Et devra être décodé avec la machine Enigma qui a rendu célèbre Turing… Là, à nouveau, un mode d’emploi est (heureusement) donné par l’intermédiaire d’un QR-code qu’il faudra reconstituer auparavant.
Damien Bourdet nous propose ici un escape game à l’organisation très réfléchie qui plonge les participants dans l’univers d’Alan Turing. La partie centrale du jeu est riche et complexe avec une très belle imbrication et des dispositifs inventifs. La Table à cartes a attiré particulièrement notre attention. Son double-mécanisme [2] utilisant une carte programmable Arduino montre ce qui peut-être réalisé en Technologie.
Genially est également utilisé pour proposer un verrou numérique… mais cette énigme est un leurre et n’apporte aucun élément supplémentaire au jeu. C’est un choix de l’auteur qui peut être source de déception et de frustration chez les joueurs. De même, l’énigme du code César permet de porter l’attention sur un objet derrière lequel est cachée une clé. Si cette dernière est trouvée lors de la fouille, l’énigme devient inutile. C’est un risque.
Il y a beaucoup de cadenas et beaucoup de clés, mais le thème permet de ne pas négliger les codes. L’utilisation de modes d’emploi risque de casser le rythme du jeu, mais ils sont indispensables ici étant donnée la complexité de la manipulation du cadenas rotatif et de la machine Enigma. Suivre un protocole est également une compétence liée à la discipline enseignée par Damien.
Au final, les élèves découvrent dans le coffre un dossier Top secret contenant la carte d’identité de l’agent et la lettre d’excuse de la Reine d’Angleterre. On ne sait pas pour quelle raison ils doivent récupérer ce dossier. L’agent secret présent sur la vidéo de lancement devrait le préciser afin de rendre le scénario plus immersif. De même, le challenge serait supérieur en précisant ce qu’il risque de se passer si les élèves ne parviennent pas à remettre la main dessus au bout de 60 minutes.
Cependant, ils se prêteront assurément au jeu car tous les ressorts de l’escape game générateurs de motivation sont présents avec une fouille indispensable, des puzzles… et beaucoup de magie. Une atmosphère réussie avec le souci du détail témoigne de la passion de l’auteur !
[1] Le 8 juin 1954, Turing fut retrouvé mort dans son lit, avec une pomme croquée sur sa table de nuit. L’autopsie conclut à un suicide par empoisonnement au cyanure.
[2] La Table à cartes est utilisable par les deux équipes avec des coordonnées différentes. L’ensemble du mécanisme est donc doublé (quatre interrupteurs ILS, deux servo-moteurs…).
le 5 mai 2019
Scénario annoncé | ✓ |
Amorce audiovisuelle | ✓ |
Final marqué | |
Organigramme | ✓ |
Scénario convergent | ✓ |
Imbrication | ✓ |
Étapes | |
Énigmes variées | ✓ |
Fouille | ✓ |
Puzzle | ✓ |
Outils numériques | ✓ |
Décor | ✓ |
Ambiance sonore | |
Effets spéciaux | ✓ |
Consignes réduites | ✓ |
Check-list proposée |