Cognitio
Le professeur Cognitio a décidé de se venger de son pire élève, devenu jeune professeur, en l’enfermant dans un sombre manoir. Des épreuves l’attendent, lui et ses amis, pour pouvoir le libérer et s’échapper tous ensemble. Un seul conseil : rester bien concentré…
L’introduction audio-visuelle est courte mais efficace. Dans une atmosphère orageuse face à un manoir aux allures de château hanté, cet escape game virtuel, créé par Dimitri Saputa avec le site Genially, offre deux possibilités aux joueurs : incarner l’ancien élève du professeur Cognitio cherchant à se libérer de sa geôle, ou se glisser dans la peau des amis du prisonnier venus à sa rescousse. Deux équipes de trois ou quatre joueurs vont donc jouer en parallèle, et leur première tâche sera de se mettre d’accord sur le rôle revêtu par chacune d’elle.
Une vaste et mystérieuse salle
Les amis de l’ancien élève de Cognitio entrent dans le manoir par la grande porte et se retrouvent dans une pièce dont l’issue est bloquée, la poignée étant manquante. Cette porte mène-t-elle au lieu de détention du jeune enseignant ? Aucune précision à ce sujet… Il va donc falloir fouiller pour avancer. Le décor est sombre et inquiétant, la lumière vacille, de l’eau semble tomber du plafond… ou bien est-ce du vinaigre ? Un compte-à-rebours ne leur offre que 45 minutes pour se libérer. Table, chaise, meuble de bureau, antique buffet fermé à clé, étrange tableau au mur, mug, jeux jonchant le sol… Au gré des clics, les joueurs sont amenés à relier de nombreux éléments comme un jeu de cartes à retourner apparenté au Memory, des symboles à déchiffrer, des fragments de QR-code à assembler, des mots effacés au mur... Des indices suggèrent aussi aux joueurs d’utiliser deux applications : un lecteur de QR-code et l’application de réalité augmentée HPReveal. Celles-ci seront utiles pour résoudre ou débloquer certaines énigmes. Il faudra aussi persévérer pour trouver la clé de l’armoire, qui renferme… un nouvel indice et un coffre-fort à digicode...
Des documents pédagogiques orientent la réflexion vers la notion de motivation intrinsèque et extrinsèque. Des exercices ont été glissés parmi les éléments de jeu : mots croisés et classement construits avec LearningApps, quiz créé avec H5P.
Alors que l’on pense avoir fait le tour des indices à relier, au bout d’une dizaine de minutes, un objet tombe du plafond ! Il s’agit d’un cryptex, qu’il faudra débloquer avec un mot de six lettres. Son ouverture libère une vidéo amenant les participants à jouer avec la notion d’empan mnésique [1].
La chambre de l’angoisse
Dans la chambre parallèle où se situe le prisonnier, le décor est différent mais tout aussi angoissant : armoire close, menottes, lit métallique, ancien téléviseur à l’écran brisé, objets jetés au sol, mur fissuré et fenêtres n’offrant d’autre échappatoire que la profondeur de la nuit.
Les types d’énigme et leurs imbrications sont similaires à l’autre escape game, joué en parallèle. On retrouve l’armoire, le coffre-fort, la clé camouflée, une aura de réalité augmentée à révéler, un QR-code cette fois dissimulé à la fin d’une vidéo... Un jeu de millionnaire créé avec LearningApps attend aussi les joueurs. Dimitri joue plus ici avec la notion d’attention, en réussissant notamment à cacher des indices tout en les laissant pourtant en évidence. Les épreuves sont aussi plus « physiques » : il va falloir notamment détruire un mur à la masse ! Mais la pédagogie est toujours présente, sous la forme d’une vidéo sur l’attention et les apprentissages.
Le final
Chacun des deux escape games se termine par la découverte de la poignée de la porte. Un message attend alors les vainqueurs sur ladite porte : patienter jusqu’à ce que l’autre équipe ait elle aussi trouvé le sésame. À ce moment, elles tournent chacune la poignée, et… et… et non, ce n’est pas fini ! Un rebondissement final permet de réunir les deux équipes incarnant l’ancien élève et ses amis, leur permettant de s’échapper ensemble du lieu maudit… mais les participants n’ont cette fois que quinze minutes pour résoudre l’énigme ultime. Leurs facultés de concentration et d’attention sont à nouveau mises à rude épreuve par l’auteur, qui joue avec les distracteurs sonores et visuels, et avec le temps, ne laissant à disposition un indice capital que quelques minutes…
Un escape game immersif et très élaboré
Dimitri Saputa offre ici aux étudiants de l’ESPE de Lille et à leurs enseignants un jeu d’évasion de formation assez complexe et très prenant, orienté sur les sciences cognitives. Les énigmes ont du sens, et permettent de réellement travailler les notions abordées : la motivation, les différents types de mémoire, l’attention… Quelques exercices classiques permettent de récapituler ou s’entraîner, mais leur présence n’empiète pas sur le côté ludique de l’escape game, certains fournissant en cas de réussite un indice pour poursuivre la quête. Bien que complètement virtuel et prévu pour être projeté sur un grand écran via un vidéoprojecteur, les joueurs auront besoin de leur smartphone ou d’une tablette pour avancer dans le jeu. Le niveau de difficulté des énigmes est variable, de simple (notamment pour qui a déjà joué à quelques escape games virtuels, ou pour qui utilise déjà les applications pour QR-code et réalité augmentée en classe), à complexe au vu de la forte imbrication de certaines et du peu d’indices présents. Ceux-ci sont parfois en effet très sibyllins ou s’auto-détruisent, comme par exemple une clé de décryptage incomplète, ou encore un message devenu peu lisible ou s’enflammant si le temps est dépassé. Quelques leurres ont été glissés [2] et achèvent de brouiller les pistes. Le créateur joue avec les nerfs et les capacités cérébrales des joueurs, et ceci avec délectation. Heureusement pour ses victimes, Dimitri a aussi prévu quelques coups de pouce oraux…
Au delà du contenu, l’ensemble de l’escape game est porté par une interface - Genially - dont les possibilités techniques ont été exploitées [3] de manière extrêmement poussée. Pourtant l’impression générale que donne la mise en scène est celle de la simplicité : un plan fixe sur une pièce fermée, pas d’autre angle de vue, et des fenêtres qui s’ouvrent quand on clique sur les différents éléments du jeu. On est piégé, l’immersion est complète, ou presque. En effet, quelques liens externes, notamment vers d’autres Genially, rompent un peu le sentiment de confinement - peut-être là notre seul regret, que l’auteur ne soit pas allé complètement au bout des mécaniques générant le sentiment claustrophobique sous-tendu par son jeu d’évasion virtuel.
Mais la simplicité du décor n’est qu’apparence. L’image qui compose le fond de l’interface est en effet composite, et plusieurs Genially ont été intégrés de manière à recréer la chute du cryptex depuis le plafond, ou encore le mur à briser. Dimitri a récemment publié un tutoriel, montrant bien le degré de réflexion et de technicité nécessaires pour créer ce type d’énigme à la fois originale, ludique, et se confondant parfaitement dans la mise en scène.
Certaines énigmes sont elles aussi, sans avoir l’air, techniquement complexes. Par exemple, le jeu de type Memory a dû certainement nécessiter à lui seul un Genially d’une vingtaine de diapos associées des images créées par l’auteur et à des animations. Pourtant son intégration dans une petite fenêtre ferait presque passer inaperçue cette complexité, et on y joue comme s’il s’agissait d’un simple jeu de Memory réel. L’imbrication des éléments, comme la poignée qui est dans le coffre-fort qui est dans l’armoire qui est fermée à clé, a nécessité l’emboîtement successif de plusieurs Genially. Enfin, plusieurs digicodes et mots de passe, éléments incontournables des escape games, ponctuent la quête. Dimitri a créé environ une vingtaine de Genially différents pour concevoir Cognitio, et il n’a pas compté le nombre total de diapos…
Enfin, saluons la grande maîtrise de la temporalité du jeu : l’auteur a intégré des compte-à-rebours, mais aussi créé des objets-énigmes qui n’apparaissent qu’au bout d’un certain temps, ou encore des indices qui se détériorent voire s’auto-détruisent après une durée parfois très - toujours trop ! - courte. De nouveau, les fonctionnalités de l’interface ont été savamment exploitées.
Dimitri Saputa nous a une nouvelle fois démontré son talent pour créer cette fois-ci deux jeux d’évasion virtuels en un, en apparence simples mais en réalité complexes, très soignés et puissamment immersifs. Il permet ainsi à de jeunes enseignants de se plonger en équipe dans les arcanes des sciences cognitives. Gageons que la découverte des mécaniques - immersion et collectif [4]- et modalités pédagogiques de l’escape game ne manquera pas non plus de faire des émules parmi eux !
[1] L’empan mnésique désigne le nombre d’éléments que l’on peut restituer immédiatement après les avoir entendus.
[2] Je me demande d’ailleurs encore à quoi sert le mug...
[3] ...ou contournées, selon les points de vue :-)
[4] L’équipe de S’cape poursuit sa réflexion sur les escape games pédagogiques et en a dégagé trois piliers fondamentaux que nous nommons IMC : l’Immersion, le Mouvement et le Collectif. Dans un escape game virtuel, seul le Mouvement est absent car le monde réel - la pièce, les objets...- ne font pas partie du cercle du jeu. On pourrait toutefois étendre l’idée de mouvement aux cogitations et transformations cérébrales engendrées par le jeu pédagogique...
le 8 septembre 2018
Scénario annoncé | ✓ |
Amorce audiovisuelle | ✓ |
Final marqué | ✓ |
Organigramme | |
Scénario convergent | ✓ |
Imbrication | ✓ |
Étapes | ✓ |
Énigmes variées | ✓ |
Fouille | ✓ |
Puzzle | ✓ |
Cadenas | ✓ |
Outils numériques | ✓ |
Décor | ✓ |
Ambiance sonore | ✓ |
Effets spéciaux | ✓ |
Consignes réduites | ✓ |
Coups de pouce anticipés | |
Débriefing anticipé | ✓ |
Check-list proposée |
Retrouvez tous nos conseils et astuces pour créer un escape game virtuel dans notre article Genial.ly et les escape games.